La téléconsultation pour les expatriés : atouts et potentiel
La téléconsultation pourrait être un recours fort utile pour les 2 millions et demi d'expatriés français, mais semble encore sous-exploitée ou cantonnée à des usages assez restreints. Pourtant, près des trois quarts des assureurs proposent des formules incluant dans leurs offres à destination des expatriés des solutions de téléconsultations. Après avoir travaillé et vécu au Royaume Uni, au Luxembourg, au Canada, en Nouvelle Zélande, en Polynésie, Raphaël Reiter, a créé International Santé , un comparateur d'assurances pour les expatriés individuels. Il partage au travers de cet article ses observations sur l'inté rêt de la téléconsultation pour les expatriés, et les perspectives intéressantes de développement d'usage au service de cette population vivant hors de France. Monsieur Reiter, les expatriés sont-ils fans de la téléconsultation ? "L’usage de la téléconsultation pour les expatriés peut paraître une évidence mais il est en fait très récent et met du temps à se développer réellement. Pourtant cette possibilité présente de nombreux avantages pratiques pour les expatriés ! Le premier avantage est bien sûr de pouvoir trouver facilement un médecin quand on arrive dans un pays que l’on ne connait pas, car dans de nombreux pays, la consultation d’un médecin peut sembler complexe, et les expatriés se posent des questions comme : - Comment s’organisent les soins entre public et privé, entre hôpital et médecine de ville ? - Quels médecins sont accessibles sans être rattaché au système de santé local ? - Comment trouver un médecin qui parle anglais ? - Combien cela peut-il coûter ? Le second avantage concerne les personnes qui résident dans un pays où le système de santé est peu développé. La téléconsultation permet de pouvoir consulter un généraliste ou même un spécialiste alors qu’il n’y en a pas forcément sur place." Quels sont les avantages qualitatifs de la téléconsultation pour les expatriés ? "Tout d'abord, parler à un médecin qui a des diplômes reconnus en France est sécurisant. Les médecins travaillant avec des plates-formes de téléconsultations ne sont pas des médecins regroupés sur une plateforme téléphonique délocalisée. Il s’agit de médecins exerçant en France, en libéral et réservant une partie de leur emploi du temps à ces plateformes. Ils consultent généralement de leur cabinet. Ensuite, cela lève le problème de la barrière de la langue. En effet, même si vous parlez couramment la langue du pays de destination, il est souvent compliqué d’exprimer son ressenti et de décrire précisément des symptômes dans une autre langue. Dans de nombreux pays, l’anglais est utilisé comme langue intermédiaire entre un patient et un professionnel de santé alors que ce n’est la langue maternelle ni pour l’un, ni pour l’autre. Il existe alors forcément un double biais entre ce qui est exprimé par l’un et compris par l’autre. En téléconsultant avec un médecin français, ces écarts de compréhension n’existeront pas. La téléconsultation réduit également le "cultural gap", le choc des cultures. C’est un terme qui est souvent utilisé en matière d’expatriation et il ne peut pas être ignoré quand il s’agit de santé. Le système de santé d’un pays dépend directement de son développement économique, mais aussi de sa culture ou de ses influences religieuses. La place de l’enfant, de la femme, le rapport à la douleur, à la prévention, à la mort, au corps, varient d’un pays à l’autre et influent énormément sur la manière de diagnostiquer, de soigner, de suivre une grossesse. Ce cultural gap, n’existe pas qu’au fin fond de l’Asie. Par exemple, allez voir un médecin canadien en lui expliquant que vous avez mal au genou ; il ne vous demandera pas de lui montrer votre genou, il commencera par vous prescrire une radio. C'est enfin un moyen d'éviter la perte de chance qui peut survenir si l'expatrié retarde le début d’un traitement par manque de diagnostic. En commençant plus tardivement, le traitement à moins de chance de réussir. C’est un phénomène fréquent chez les expatriés. La charge d’activité liée à l’expatriation laisse peu de temps à la santé. Si on y ajoute des difficultés pour consulter un médecin, il arrive souvent qu’un expatrié passe deux ou trois ans dans un pays sans voir un seul médecin. Il peut alors prendre du retard sur des actes ou des examens de prévention et perdre ainsi de précieux mois dans le diagnostic d’une pathologie qui a pris alors le temps de s’aggraver." Dans quelle mesure les expatriés sollicitent-ils des téléconsultations ? "La liste des avantages ci-dessus laisse penser que les expatriés sont nombreux à recourir à la téléconsultation mais la réalité est très différente. Aujourd’hui, d'après nos analyses du marché, près des trois quarts des assureurs incluent dans leurs offres des solutions de téléconsultation, et ceux qui le font depuis plusieurs années peuvent dire que depuis début 2020, l’utilisation de ce service est en plein essor. Toutefois, en valeur absolue les chiffres montrent que cette utilisation reste marginale. En 2019, moins de 5% des expatriés avaient utilisé ces services au moins une fois. En 2020, le chiffre a presque triplé mais ca reste modeste en nombre de consultations. Contrairement à ce que l’on pourrait penser les consultations de spécialistes représentent une part significative des utilisations puisqu’un assureur nous a confié qu’un tiers des consultations concernait les dermatologues." Quelles sont alors les pistes de développement possible, selon vous ? Pour que les expatriés aient davantage recours à ces services il faut certainement agir à la fois pour réduire les freins à l’utilisation et imaginer de nouveaux services. Très concrètement, deux pistes sont pourraient sans doute être envisagées pour lever quelques freins à l'usage. D'abord, les expatriés n’arrivent pas forcément à savoir dans quels cas le recours à la téléconsultation est possible, et mélangent souvent cette pratique avec l’orientation médicale. L’orientation médicale consiste à savoir, en cas d’urgence, vers quel service je dois me tourner ; j’appelle alors mon assureur pour savoir si je dois aller chez un médecin, à l’hôpital ou même demander un rapatriement. Des communications pourraient être engagées pour expliquer quels sont précisément les actes qui peuvent être réalisés par téléconsultations. Des aides en ligne pourraient être développées : en répondant à 4-5 questions ciblées, il serait alors possible de savoir si la consultation peut se faire à distance ou en cabinet. Par ailleurs, dans de nombreux pays, les prescriptions étrangères de médicaments ou d’examens émises après une téléconsultation sont valables ; il faudrait les lister pour que les expatriés aient facilement l’information et sachent ce qu’ils peuvent faire. Ces deux axes d’améliorations permettraient de réduire au maximum les risques de déception qui existent quand la téléconsultation ne peut aboutir à une solution thérapeutique et qu’elle doit être suivie d’une consultation en présentiel pour un détail administratif ou technique. Concernant le développement de nouveaux services, l a plateforme de téléconsultation pourrait servir de conciergerie pour centraliser les services de santé des expatriés, prendre les rendez-vous en présentiel, transmettre les analyses, etc. Certains contrats d’assurance expatriés pourraient également inciter à la téléconsultation en augmentant les remboursements sur les actes réalisés en téléconsultation.
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